Les cédants du contrôle d’une société commerciale sont solidaires pour la restitution de l’acompte

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L’acte par lequel les associés d’une SARL cèdent ensemble au même acquéreur toutes les parts de celle-ci précise que le prix convenu est révisable à la baisse au vu de la situation comptable intermédiaire à établir. Cette dernière ayant fait apparaître des capitaux propres négatifs, l’acquéreur soumet aux cédants un prix définitif de 1 € et réclame la restitution de l’acompte qu’il leur a versé.

Une cour d’appel condamne solidairement les cédants à rembourser l’acquéreur. Deux des cédants, qui n’ont cédé qu’une seule part chacun, contestent cette décision, faisant valoir que l’acte de cession ne prévoit pas expressément la solidarité entre les cédants.

Cet argument est écarté. Les conventions qui emportent cession de contrôle d’une société commerciale présentant un caractère commercial, même conclues entre non-commerçants, les obligations contractées par les vendeurs s’exécutent solidairement. En l’espèce, la cession litigieuse avait porté sur l’intégralité des parts de la société ; l’acte de cession était un acte de commerce et les obligations des cédants s’exécutaient donc solidairement, y compris l’obligation de restitution résultant de la clause de révision du prix, faute d’insertion dans l’acte de cession d’une clause écartant expressément la solidarité.

À noter

La solution n’est pas nouvelle mais il y a longtemps que la Cour de cassation ne l’avait pas rappelée.

Si la solidarité ne se présume pas en matière civile (C.  civ. art. 1310), elle est « de règle » entre débiteurs en matière commerciale (Cass.  req. 20-10-1920). La cession ayant pour objet ou pour effet le changement du contrôle d’une société commerciale est un acte de nature commerciale (notamment, Cass. com. 28-11-1978 n° 77-12.609 ; Cass. com. 11-7-1988 n° 86-19.138 ; Cass. com. 24-11-1992 n° 91-10.699), auquel s’attache donc une présomption de solidarité (Cass. com. 28-4-1987 n° 85-17.093 ; Cass. com. 16-1-1990 n° 88-16.265). Il en est ainsi même lorsque les parties n’ont pas la qualité de commerçant (Cass. com. 28-11-2006 n° 05-14.827) et même à l’égard du cédant minoritaire (Cass. com. 28-4-1987 n° 85-17.093 ; Cass. com. 22-3-2005 n° 01-16.331). La notion de contrôle de la société s’apprécie selon les critères de l’article L 233-3 du Code de commerce et, rappelle l’arrêt commenté, au regard du seul acquéreur.

La solidarité entre débiteurs oblige chacun d’eux à toute la dette (C. civ. art. 1313). Par exemple, les acquéreurs sont tenus solidairement pour le paiement du prix (Cass. com. 16-1-1990 précité ; Cass. com. 11-3-2003 n° 99-20.331) ; les cédants le sont pour l’exécution de la garantie de passif consentie (Cass. com. 28-11-2006 précité). En l’espèce, l’acquéreur pouvait ainsi réclamer à l’un quelconque des cédants, y compris à l’un de ceux ayant cédé une unique part sociale, la restitution de l’intégralité de l’acompte versé. Le fait que cet acompte soit entre les mains d’un seul des cédants, comme cela était invoqué devant la cour d’appel, ne changeait rien à l’affaire.

Bien établie en jurisprudence, la solidarité attachée à une cession de contrôle n’en est pas moins critiquée par la doctrine, en ce qui concerne les associés très minoritaires. La récente réforme du droit des obligations et des contrats ne l’a pas remise en cause (Ord. 2016-131 du 10-2-2016 ratifiée par Loi 2018-287 du 20-4-2018).

Comme le rappelle l’arrêt commenté, la présomption de solidarité commerciale peut être écartée expressément par le contrat, ce que les associés minoritaires non commerçants ont tout intérêt à exiger.

 

Cass. com. 30-8-2023 n° 22-10.466

© Lefebvre Dalloz

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